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Infolettre N° 33 du 26 janvier 2013.

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INFOLETTRE DU 26/01/2013

Chère Madame, Cher Monsieur,

Vous trouverez ci dessous les textes de la lettre et de la note que notre fondateur a récemment adressées à Madame Karine Berger, Députée (PS) des Hautes-Alpes. Madame Berger est économiste. Elle a été chargée, au mois d'octobre dernier, par le Premier Ministre, d'établir un rapport sur l'Épargne qu'elle doit déposer prochainement.

En lisant ces documents, qui expliquent des réalités très souvent ignorées par beaucoup, y compris par notre personnel politique, toutes tendances confondues, et que même les commentateurs et mouvements consuméristes n'abordent guère, vous comprendrez qu'il y a sans doute là, matière à réflexion pour nous. Nous réfléchissons donc à l'opportunité d'élargir l'objet de nos statuts.

Si l'évolution de la situation nous confirme que cette idée peut-être utile et efficace , nous ne manquerons pas de vous tenir au courant.

Nous vous prions d'agréer, Madame, Monsieur, l'expression de nos sentiments bien cordiaux.

Le Bureau.

 


À l'attention de Madame Karine Berger, Députée

Madame,

Lors de votre intervention récente aux États Généraux de l'Épargne organisés par la Faider, et auxquels j'ai participé, vous avez déclaré, comme le rapporte la revue Agefi Actifs, que "la fiscalité doit tenir compte de la concentration du patrimoine entre les mains d'une minorité".

C'est une donnée connue et non contestable. Cela dit, alors qu'elle fait déjà l'objet d'une prise en compte dans notre législation, via l'ISF, et dans les nombreux débats que cet impôt suscite, il est d'autres facteurs pour l'épargne longue qui sont largement occultés. Or ces facteurs concernent non pas une minorité mais 100 % des épargnants, soit des millions de contribuables. Leur impact économique et social est aujourd'hui tel pour ces derniers, qu'il n'est plus ni légitime ni possible d'en faire l'économie dans le cadre d'une réflexion globale sur la fiscalité telle que vous en a chargé le Premier Ministre. J'ai déjà récemment abordé le problème dans un article publié par "La Lettre de l'Assurance" qui était intitulé "Prélèvements sociaux ou anti-sociaux ?".

Il est enfin un fait nouveau dont personne, à ma connaissance, n'a encore fait état. C'est le problème de la régularité de la pratique, pour lesdits prélèvements sociaux, de la taxation «au fil de l'eau» des intérêts et des produits capitalisés, au regard d'une des dispositions de la décision du Conseil Constitutionnel 2012-662 DC du 28 décembre dernier.

Je me permets donc de vous adresser en pièce jointe, une petite note traitant de ces problèmes. Elle est limitée au cas de l'assurance-vie, le seul domaine où j'ai une compétence reconnue. A bien des égard toutefois, les points que j'y traite peuvent, à l'évidence, aussi concerner, peu ou prou, les autres formes d'épargne longue.

Vous en souhaitant bonne réception, je vous prie d'agréer Madame, l'expression de toute ma considération.

François Nocaudie,

Courtier d'assurance

Fondateur de l'Association " SOS PRINCIPES AFER"

www.sosprincipesafer.fr

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FISCALITÉ, PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX ET ASSURANCE-VIE: LES DONNÉES IGNORÉES

"Pour avoir les épargnants, il faut les tromper", écrivait Alfred Sauvy, en 1976, dans son ouvrage «L'Économie du Diable» (Calmann-Lévy).

Depuis, la donne a commencé à changer. La presse consumériste s'est considérablement développée, la presse généraliste consacre de plus en plus souvent des pages spéciales à l'épargne, la transparence des produits a fait de gros progrès et des associations d'épargnants se sont constituées, dont quelques unes sont vraiment indépendantes. Enfin, les difficultés de l'heure ont rendu les Français de plus en plus sensibles aux problèmes de justice fiscale.

Malgré cette évolution, force est de constater qu'il est toujours des données essentielles qui sont largement occultées dans les débats relatifs à la fiscalité de l'épargne longue.

- Il s'agit tout d'abord des effets quantitativement chiffrés de l'inflation sur les revenus qu'elle procure.

- il s'agit ensuite du taux réel des prélèvements sociaux qui en résulte sur les mêmes revenus.

- Il s'agit aussi, fait nouveau, de la possible irrégularité des prélèvements sociaux selon la technique "du fil de l'eau".

- il s'agit, enfin, des effets paradoxaux de la psychologie des épargnants, à savoir celui des effets bénéfiques de la liquidité d’une épargne sur sa stabilité.

Trente cinq années d'expérience en la matière m'ont appris qu'il ne serait pas réaliste de continuer à les ignorer si l'on souhaite la réussite, dans l'intérêt général, d'une éventuelle évolution plus équitable de la contribution de tous, épargnants et non épargnants, aux charges publiques.

1/ La première donnée largement occultée : le chiffrage des effets de l'inflation.

Les revenus du travail et ceux qui leur sont assimilés (pensions de retraite et indemnités de chômage) ne sont pas affectés par l'inflation en matière de taxation, qu'il s'agisse des prélèvements sociaux ou de l'IRPP.

Ils le doivent d’une part aux mécanismes qui permettent leur revalorisation et la déduction comptable des charges qui pèsent sur eux et, d'autre part, au jeu du relèvement régulier des tranches du barème de l'IRPP. Lorsque par exception ce barème est gelé, ce qui est le cas pour les revenus de 2012, il ne l'est que dans une proportion rigoureusement proportionnelle à la hausse des prix, soit 2% par an par exemple, si celle de l'exercice concerné est de 2%, ce qui a été le cas, en moyenne, depuis une dizaine d'année.

Par ailleurs, sur le plan politique, il s'agit d'un problème très sensible susceptible d'être à l'origine de mouvements sociaux d'envergure en cas de remise en cause de ces mécanismes.

Pour les revenus de l'assurance-vie, ce n'est pas du tout la même chose. La dépréciation de leur actif générateur, le capital investi, dépréciation qui résulte de l'inflation, bien qu'elle constitue une charge incontestable pour un produit d'épargne longue, n'est pas prise en compte au nom d’un principe inique: celui du nominalisme monétaire. Il n'est pourtant pas difficile de comprendre que les 3 euros de rendement nominal moyen actuel de ses fonds sécuritaires sur lesquels est investi un capital de 100 euros correspondent, avec une même inflation de 2% depuis 10 ans, à un revenu réel de 1 euro. Autrement dit, l'impact de l'inflation sur 90% des revenus de l'assurance vie, ceux tirés des fonds en euros, les affectent à raison de 66% de leur montant tous les ans, dans la conjoncture actuelle.

Face à ce constat, 2% de réduction du pouvoir d'achat d'une première sorte de revenu, 66% pour la seconde, l'équité veut qu'une réflexion globale sur la fiscalité ne puisse plus faire abstraction de cette réalité et qu'enfin la dépréciation du capital résultant de l'inflation soit légitimement considérée comme une charge déductible du revenu nominal des différentes formes d'épargne longue.

2/ La seconde donnée non prise en compte: les Prélèvements Sociaux.

Les revenus de l'assurance vie font l'objet, depuis 17 ans, de "Prélèvements Sociaux".

Malgré leur nom, leur nature fiscale ne fait aucun doute, même si ils n'ont pas été intégrés dans l'IRPP. Ils ne peuvent, en effet, être assimilés à des cotisations sociales, puisqu'ils ne donnent droit à aucune prestation en contrepartie. En revanche, ils ont tout à la fois la même assiette que l'IRPP, ils sont encaissés par les mêmes services, et ils ont le même effet économique pour les redevables.

Le projet de fusion des prélèvements sociaux et de l’IRPP de votre parti conforte la pertinence de mon observation.

Pour l'exercice 2011, le dernier dont nous ayons les résultats complets, le taux moyen nominal sur 12 mois de 13,2% des prélèvements sociaux, puisque il a été appliqué sur une assiette de trois euros au lieu d'un, a correspondu à un taux moyen réel de 13,2 x 3 = 39,60%. Pour les contrats en euros qui ont rapporté moins de 3%, et il y en a eu beaucoup, ce taux moyen réel de taxation a donc pu aller jusqu'à flirter avec les 50%. Ces taux réels vont être dépassés pour l'exercice 2012 sous l'effet de trois facteurs, à savoir, un niveau d’inflation inchangé ( 2% - Communiqué de l’INSEE du 17 janvier 2013), le passage de leur taux nominal de 13,5 à 15,5% le 1er juillet 2012, et une baisse moyenne du rendement des fonds en euros de 0,20%.

Ces taux de prélèvements le sont dès le premier euro gagné. Quant à ceux qui ont investi dans des unités de comptes, avant tout éventuel prélèvement au titre de leur éventuel IRPP en cas de rachat, la plupart d'entre eux subira un prélèvement supérieur tant que la bourse ne se sera pas relevée de ses crises de la première décennie du siècle. En effet, leurs moins values réelles seront supérieures à leurs moins values nominales, puisqu'elles aussi ne sont pas actualisées non plus en fonction de l'inflation.

Face à ce nouveau constat, un taux réel de prélèvements sociaux de 8% pour les revenus du travail (7,1% sur les retraites), un taux réel de 46,5% (15,5% x 3) à plus de 55% pour les revenus de l'assurance-vie avant un éventuel IRPP dans certains cas, il est une idée reçue qui n'est manifestement plus pertinente, celle selon laquelle les produits de l'assurance-vie constitueraient un paradis fiscal.

On peut aussi légitiment se poser la question de savoir si un écart entre deux taux de taxation en termes réels, qui va de 3 à 6 fois entre deux sortes de revenus d’un même montant, ne constitue pas une méconnaissance par le législateur du principe de l’égalité devant les charges publiques.

3/ La troisième donnée non prise en compte: la probable irrégularité de la pratique de la taxation «au fil de l'eau».

Au regard de la décision du Conseil Constitutionnel du 28 décembre 2012, une nouvelle question se pose. Ce dernier, en effet, à propos du périmètre de l'enveloppe du plafonnement de l'ISF au sein duquel on trouve les prélèvements sociaux, a considéré que la revalorisation de l'assurance-vie, parce qu'il s'agissait d'un revenu latent dont l'assuré ne dispose pas, n'avait pas à être intégrée dans la dite enveloppe. La dite intégration méconnaît, a-t-il affirmé, "l'exigence de prise en compte des facultés contributives" des intéressés (paragraphes 94 et O5 de la décision: Cf.infra *).

Si donc une taxe sur un revenu dont un contribuable ne dispose pas "rompt l'exigence de prise en compte de ses facultés contributives", cette affirmation du Conseil Constitutionnel est manifestement susceptible d’avoir pour conséquence que la pratique de la taxation «au fil de l'eau» des produits de l'assurance-vie en euros n’est pas régulière.

C’est d’autant plus plausible que cette pratique, en privant les assurés d’une partie des bénéfices de capitalisation de leur contrat, en constitue une dénaturation d’autant plus importante que les taux en sont devenus, en termes réels, très élevés puisqu’ils dépassent dès le premier euro, le niveau des tranches les plus hautes de l’IRPP.

4/ La quatrième donnée : le rapport entre la liquidité et la stabilité d'une épargne.

J'aborde cet aspect des choses parce que dans votre déclaration aux États Généraux de l’Épargne vous avez tenu des propos qui laissent penser que, dans votre esprit, la liquidité d'un système d'épargne largement répandu présenterait un danger. Trente cinq années d'expérience en la matière m'ont convaincu du contraire.

«En matière d'épargne, comme en matière amoureuse, une bonne dose de liberté n'est pas l'ennemi de la stabilité». J’écrivais cela dans un article de l'Argus de l'assurance du 22 juillet 1994 consacré au régime Préfon, et je n'ai pas été démenti depuis par les faits. Il était intitulé «Préfon, anti-modèle de fonds de pension».

En matière d'assurance-vie le paradoxe n'est qu'apparent. En effet, c’est la liberté qui crée la confiance, pas la contrainte. Le résultat est que les assurés n'abusent pas de cette liquidité. Plus un épargnant risque d’être prisonnier dans le temps d'un système d'épargne, moins il est tenté d’y rentrer. C'est ce qui explique l'échec systématique, en termes quantitatifs, des produits tunnels souscrits à titre individuels et leur succès limité, dans le cas des contrats collectifs, alors que l'employeur participe à leur financement.

C'est ce qu'avaient pressenti les avocats et les premiers développeurs du concept de compte à versements libres en assurance-vie, au tournant des années 70/80. Cette liberté est l'une des causes déterminantes de son succès depuis, comme premier support de l'épargne financière des ménages. Dans les faits, la liquidité de l'épargne drainée dans le cadre de la dernière génération des contrats d'assurance-vie n'est pas l'ennemi de la stabilité des fonds investis. L'histoire du livret A et celle, ces trente cinq dernières années, de l'assurance-vie prouvent exactement le contraire. L'intérêt général y a trouvé son compte.

Conclusion : Comment expliquer l’occultation quasi généralisée de toutes ces données, et des anomalies en résultant, pourtant relativement évidentes à mes yeux ?

Il me semble que Michel Rocard et Pierre Larrouturou viennent de nous donner la réponse dans l’ouvrage qu’ils viennent de publier il y a quelques jours sur nos errements collectifs (Cf.infra **).

Les commentateurs et les épargnants ont été, et sont toujours, les victimes du syndrome de la grenouille qui, malgré son exceptionnelle faculté de réaction, ne réagit pas à sa cuisson à feu doux et se laisse finalement ébouillanter.

Tout s'est fait d’une manière tellement étalée dans le temps (Cf.infra ***) qu’ils ne se sont pas aperçus que les Prélèvements Sociaux pourraient bien devenir antisociaux. La raison en est qu’ils constituent un véritable impôt sur le revenu qui n’en respecte aucune des règles protectrices dans le cas de ceux de l’épargne, celle de la progressivité des taux, celle de la déduction de son assiette des charges qui pèsent sur les intéressés et celle de la taxation d'un revenu dont ils ne disposent pas.

François Nocaudie,

Le 22 janvier 2013

 

(*) : Décision du Conseil Constitutionnel du 28 décembre 2012 (Extraits) :

" 94. Considérant que, pour le calcul du plafonnement, les dispositions du paragraphe II de l'article 885 V bis précitées intègrent dans le revenu du contribuable des intérêts et produits capitalisés, les bénéfices distribuables de sociétés financières et les plus-values ou gains ayant fait l'objet d'un sursis ou d'un report d'imposition ; 

95. Considérant, toutefois, qu'en intégrant ainsi, dans le revenu du contribuable pour le calcul du plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune et de la totalité des impôts dus au titre des revenus, des sommes qui ne correspondent pas à des bénéfices ou revenus que le contribuable a réalisés ou dont il a disposé au cours de la même année, le législateur a fondé son appréciation sur des critères qui méconnaissent l'exigence de prise en compte des facultés contributives ; que, par suite, les troisième à seizième alinéas du F du paragraphe I de l'article 13 doivent être déclarés contraires à la Constitution ; qu'il en va de même, au dix-septième alinéa de ce F, des mots : «..., y compris celles mentionnées au 5° du II, »".

(**) : «La gauche n’a plus le droit à l’erreur» (Flammarion, Janvier 2013).

(***) : Leur premier taux nominal sur l’assurance-vie s’élevait à 0,5% (deuxième semestre 1996).

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