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Infolettre N° 80 du 24 juin 2019

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INFOLETTRE DU 25/06/2019

Chère Madame, cher Monsieur,

Comme je vous l’avais annoncé, je viens vous préciser, pour les investissements en assurance-vie effectués après 70 ans, quelles sont les précautions à prendre pour éviter les inconvénients des textes d’application tout à faits contestables de l’article 757 B du Code Général des Impôts (CGI).

QUEL EST LE PROBLÈME ?

L’article 757 B du CGI est celui qui a fixé depuis le 1er janvier 1992, pour tous les contrats d’assurance-vie souscrits depuis le 20 novembre 1991, le régime successoral applicable aux deux parties du capital disponible lors du décès de l’assuré qui correspondent aux sommes qu’un épargnant y a investies après son 70ème anniversaire.

Pour le compartiment «capital investi ou « primes versées », l’article précité n’exonère de droits de succession les bénéficiaires que dans la limite unique de 30.500 euros. Ils doivent se la partager tous contrats confondus.

Pour le compartiment « produits (ou intérêts) », l’exonération est totale sans plafond. Le motif invoqué par Bercy en faveur du texte présenté aux parlementaires dans le projet la loi de finances pour l’année 1992 était d’éviter que les personnes âgées de plus de 70 ans ne procèdent ultérieurement à des versements tardifs dans le seul but de faire profiter leurs bénéficiaires du régime successoral favorable de l’assurance-vie. Au regard de cet objectif parfaitement légitime, le but est atteint. Tout versement tardif entraînant un dépassement du seuil de 30.500 euros pour le capital investi, ne serait-ce que de 10 euros, subit en effet, le jour venu, des droits de succession (sauf exception, ce qui est le cas du conjoint).

Là où le bât blesse, c’est lorsque l’assuré a effectué de son vivant un ou des retraits partiels et que l’épargne disponible du contrat, au moment de son décès, est supérieure à 30.500 euros.

Lors de ces retraits partiels, la somme restituée à un assuré de son vivant a correspondu à une partie du tout sous gestion à due concurrence, au jour de l’opération, des pourcentages respectifs des primes qui ont été investies et des produits qu’elles ont générés depuis leur investissement. C’est ce que prévoit l’article 125-0 A du CGI et ses textes d’application.

Si, par exemple, un assuré ayant investi 50.000 euros à 70 ans retire la moitié de son épargne à 85 ans alors qu’elle a doublé et atteint 100.000 euros, la somme récupérée, 50.000 euros, est alors logiquement composée de 25.000 euros de capital et de 25.000 euros d’intérêts. Ces derniers subiront automatiquement des prélèvements sociaux et un IRPP au delà de la franchise applicable de 4.600 ou 9.200 euros. Il en résulte donc, au soir du retrait intervenu, que l’autre partie de l’épargne disponible restant encore gérée par l’assureur s’élève elle aussi à 50.000 euros dont 25.000 euros de primes et de 25.000 euros d’intérêts.

Dès lors, lorsque l’assuré décédera et en l’absence de tout nouveau versement, cette seconde partie encore sous gestion devra être totalement exonérée, la partie primes versées de 25.000 euros parce qu’elle est inférieure aux 30.500 euros exonérés, et la partie produits quel qu’en soit le montant, parce que c’est ce que dit la loi. Nous allons voir que hélas, ce n’est pas ce que dit Bercy.

Les moyens utilisés par les services fiscaux pour contourner la lettre et l’esprit de cette loi, et pouvoir arbitrairement taxer tout ou partie des intérêts contre la volonté du législateur, sont au nombre de trois pour les principaux. On les trouve dans trois textes épars d’application de l’article 757 B du CGI particulièrement contestables.

1/ Le premier de ces moyens consiste à nier en termes technocratiques et abstraits quasiment incompréhensibles à la lecture pour un non initié, les effets quantitatifs pourtant bien réels des retraits partiels sur le capital investi.

Cette première affirmation, infondée, est que les retraits (ou rachats) partiels intervenus « restent sans incidence pour la détermination de l’assiette du nouveau dispositif de l’article 757 B du CGI »(Instruction publiée dans sa première version au BOI du 29 mai 1992).

Résultat de cette négation surréaliste : Si, par exemple, l’assuré meurt subitement le soir même où lui a été restitué son retrait de 50.000 euros, comme ce retrait n’aurait soi-disant pas eu d’effet réducteur sur les 50.000 euros de primes versées, l’administration en tire la conséquence que leur montant taxable au lieu d’être de 0, comme nous venons de le voir, et comme le prévoit la loi, est de 19.500 euros ( 50.000 versés – 30.500 euros de franchise = 19.500).

Est donc indûment remise en cause une situation de fait mais aussi de droit puisqu’elle été fiscalement actée lors de l’intervention du retrait partiel intervenu dans les conditions prévues par l’ Article 125 0 A du CGI . Il y a donc atteinte irrégulière à une situation légalement acquise.

 

2/ Le second consiste à inverser les rôles en confondant la vocation de l’assurance-vie avec celle de l’assurance-décès.

La seconde affirmation, toute aussi surréaliste, est « que le traitement successoral favorable dont bénéficie l’assurance-vie se justifie par la vocation de l’assurance-vie de faire l’objet d’un dénouement au décès de l’assuré » et que donc il n’y a pas de raison « d’exonérer de droits de succession les produits des contrats d’assurance-vie rachetables lorsqu’ils sont utilisés comme des placements d’épargne disponible par rachats partiels » (Réponse ministérielle à la question N°12.683 JOAN 15 Avril 2008).

Comment peut-on voir dans les rachats partiels une tentative d’abuser du régime successoral favorable de l’assurance-vie, alors que leur premier effet juridique et fiscal est, bien au contraire, de replacer instantanément les sommes restituées, les primes comme les produits, dans le périmètre du droit commun successoral ? Si il y a eu utilisation abusive d’un contrat d’assurance-vie, pourquoi l’administration ne poursuit-elle pas de leur vivant les assurés concernés, conformément aux dispositions de l’article 64 du livre des procédures fiscales sur la répression des abus des contribuables ? Poser ces deux questions, c’est donner la réponse : il n’y a pas abus. Un recours du fisc serait voué à l’échec.

 

3/ Le troisième consiste enfin à omettre dans la liste des informations chiffrées prévues que les assureurs doivent fournir aux bénéficiaires d’un capital décès et au fisc, celui du montant global des primes qui ont été restituées à l’assuré lors de ses retraits partiels. Seuls leur sont indiqués le montant des primes versées et celui du capital décès dû ( articles 292 A et B de l’annexe II du CGI et article 370 C).

Dans la droite ligne de cette omission comptable, on remarque que l’imprimé Cerfa 2705 A SD de déclaration partielle de succession afférents aux assurances-vie ne comporte aucune place consacrée à ce montant des primes restituées lors des retraits partiels.
Du fait de cette occultation qui semble bien délibérée, les bénéficiaires d’une assurance-vie en cas de décès, à moins de n’avoir tenu eux-mêmes les comptes de l’assuré, sont ainsi mis tout à la fois dans l’ignorance des retraits partiels intervenus et donc de leurs effets réducteurs sur les deux compartiments du capital décès. De ce fait, ils se trouvent aussi dans l’impossibilité de vérifier si les services comptables de l’Assureur n’ont pas commis une erreur. Indirectement, et en outre, la justice civile est de son coté, en pratique dans une matière qui relève pourtant de sa compétence, privée de son rôle d’arbitre naturel. C’est particulièrement choquant.

Bref, comme on le voit, l’administration fiscale ne déteste pas l’opacité quand elle peut lui profiter. Inutile de vous cacher que ces faits sont, à mon avis, très graves et qu’à mon sens il convient d’inciter les associations d’assurés et les assureurs eux-mêmes, parce que c’est leur devoir vis à vis de leurs clients, de ne plus se laisser instrumenter par des textes d’application qui me paraissent personnellement tout à fait contraires à notre État de droit. Je ne suis pas le seul.

QUELLES SONT LES PRÉCAUTIONS À PRENDRE ?

La solution est simple dans le principe. En effet, lorsqu’aucun retrait partiel n’est intervenu avant le dénouement par décès d’un contrat, le montant du capital investi ne pourra être surévalué par l’administration au nom de la théorie fumeuse selon laquelle les retraits partiels seraient sans effet réducteur sur lui. Ce serait trop visible.

Dans l’exemple chiffré utilisé plus haut, si l’assuré avait souscrit au départ deux contrats de 25.000 euros au lieu d’un de 50.000 , puis en avait racheté l’un des deux le jour où l’épargne sous gestion desdits contrats avait atteint dans les deux cas 50.000 euros, le capital décès (50.000 euros) de ce second contrat jumeau non racheté n’aurait pas pu faire l’objet du tour de passe-passe mis au point par l’administration pour taxer indûment, comme des primes versées, ses 19.500 euros de produits.

Dès lors, après 70 ans, mieux vaut répartir vos nouveaux investissements en assurance-vie lorsque vous en avez l’occasion, notamment en cas de vente d’un bien immobilier, entre plusieurs contrats. Celui ou ceux que vous destinez par priorité à vos enfants et ceux destinés à combler vos besoins de revenus complémentaires. Il est conseillé d’ailleurs d’anticiper ce pouvoir de répartition à partir de 62 ans, de façon à pouvoir faire profiter vos investissements postérieurs de leur antériorité fiscale en matière d’IRPP.
Cette solution a en outre de nombreux avantages autres que fiscaux. J’y reviendrai un peu plus tard.

QUE PENSER DU REFUS DU CONSEIL D’ADMINISTRATION DE L’AFER DE VOUS PRÉVENIR ?

Comme vous avez pu le noter, les explications données sur ce sujet par le Conseil d’administration de l’Afer par ses consignes de vote négatif sont pour le moins peu claires (Résolutions D et E en 2019)

Dans une prochaine infolettre, je vous apporterai la preuve que le Conseil constitutionnel n’a pas validé les textes d’application de l’article 757 B du CGI ,contrairement à ce qui était affirmé l’an dernier dans la consigne de vote négatif à notre résolution B, et donc que le Conseil d’administration vous cache la vérité. Les Sages n’ont validé que le paragraphe 1 de cet article. Or c’est son paragraphe 3 qui, indirectement, est à l’origine de l’occultation comptable évoquée. C’est lui qui a chargé Bercy le soin de fixer par décret « les obligations concernant les informations à fournir par les contribuables et les assureurs ».

Les Sages ont aussi commis la surprenante erreur de confondre les effets des retraits tardifs, qui ne peuvent par définition être abusifs en matière successorale, avec les seuls qui peuvent l’être, ceux des versements tardifs.

Tout cela est tellement évident que j’en ai prévenu récemment l’ACPR, l’autorité de contrôle en France des banques et des assurances, cela en la personne de son Vice-président plus spécifiquement chargé du secteur de l’assurance.



Je vous prie d’agréer, chère Madame, cher Monsieur, l’expression de mes sentiments les plus dévoués.


François Nocaudie,

Fondateur.

 

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