Chère Madame, Cher Monsieur,
Comme nous vous l’avons déjà indiqué dans notre dernière info lettre, celle du 10 novembre 2011, la loi française (Code de la Consommation, article L 422-1 alinéa 1) réserve les actions collectives aux seules associations de consommateurs agréées (type UFC, CLCV ….). Elle leur interdit toutefois de communiquer à leur sujet, tant par médias interposés que par courrier individualisé (Même article, alinéa 2). Ces actions portent le nom d’actions « en représentation conjointe ».
Elles sont, de ce fait, très difficiles pour ne pas dire impossibles à mettre en œuvre. A notre connaissance, aucune action d’envergure effectuée sur ce fondement n’a pu aboutir à ce jour.
Alors que l’Afer n’a pas le statut d’association de consommateurs agréée, son Président et ses avocats viennent pourtant d’annoncer, notamment au journal « Le Monde » (N° du 15 décembre 2011), avoir trouvé un moyen régulier d’agir pour le compte de ses adhérents victimes. Il s’agirait, grâce à l’usage de mandats, de « procédures à caractère individuel » regroupées.
L’Afer va donc réclamer à l'État, devant la justice au profit de 55.000 de ses adhérents qui ont été les victimes de détournements mis à jour par notre fondateur, les 24,5 millions qui avaient fait l’objet d’une mise sous main de justice au début de l’instruction du procès finalement perdu par les anciens dirigeants de l’Afer et qui sont toujours bloqués.
Cette démarche ne nous convainc pas, et ce pour plusieurs raisons :
1/ La première raison, la plus évidente, se résume à la question suivante : si l’action engagée par le Conseil d’administration de l’Afer sur la base des mandats confiés par une minorité de ses adhérents concernés est recevable, pourquoi ce moyen n’est-il pas utilisé directement contre les coupables et pour la totalité des montants dus ?
Rappelons que le préjudice actualisé qu’ils ont causé à leurs 365.000 victimes s’élève en 2012 à près de 270 millions d’euros selon l’évaluation qu’en a faite la justice au profit des 400 parties civiles déjà indemnisées.
Une telle clémence vis à vis des coupables laisse perplexe. En effet :
- le risque de voir les Tribunaux civils déjuger sur le fond une décision qui a eu l’aval de la Cour de Cassation est quasi-nul,
- celui de se heurter à une situation d’insolvabilité des coupables l’est tout pareillement. On sait qu’ils sont encore solvables, au moins pour partie, puisqu’en sus des profits qu’ils ont perçus depuis 1997 en tant qu’actionnaires de la SEV, ils ont encaissé à l’automne 2010 d’Aviva Vie, selon un communiqué de celle-ci, un chèque de 121,5 millions d’euros pour prix du solde de leur participation dans cette société. En outre, comme tout employeur, celle-ci est civilement responsable de la faute de son ancien Directeur Général qui a été condamné pour complicité et déclaré par la Cour d’appel solidaire des préjudices causés à concurrence de 67,5% de leur montant.
2/ La seconde raison, c’est que la recevabilité de l’action engagée n’apparaît du tout évidente.
En effet, dans une affaire très similaire (UFC et autres contre Bouygues Telecom), affaire dans laquelle l’association UFC avait utilisé le même moyen d’action que celui adopté par l’Afer aujourd’hui (Elle avait regroupé 3.751 mandats individuels) la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 22 janvier 2010, a rejeté la demande. Elle a considéré qu’en réalité il s’agissait d’une action collective en représentation conjointe qui ne disait pas son nom et que, par conséquent, avaient été violées les dispositions de l’alinéa 2 de l’article L 422-1 du code de la consommation évoquées plus haut. La Cour de Cassation a confirmé cette décision de non recevabilité de l’action de l’UFC dans son très récent arrêt du 26 mai 2011.
Pourtant, comme dans le dossier Afer, la justice avait reconnu antérieurement la faute de l’opérateur téléphonique à l’égard de ses abonnés (pratique anticoncurrentielle confirmée par la Cour d’Appel de Paris. Arrêt du 11 mars 2009).
3/ La troisième raison est que si l’action est recevable, il est douteux que les sommes récupérées puissent porter sur la totalité des 24,5 millions bloqués.
Les 24,5 millions visés ne sont pas le produit de la sanction de confiscation au profit de l’État à hauteur de 92 millions à laquelle ont été condamnés MM. Athias et Le Saux par la Cour d’appel, sanction non encore mise à exécution, mais celui d’une décision de mise sous main de justice prise au début de l’instruction de l’affaire en 1999.
Il s’agit d’une garantie qui a été prise au profit des éventuels différents créanciers des prévenus à un moment où ils bénéficiaient encore de la présomption d’innocence.
Au rang de ces créanciers qui trouve-t-on ?
Tout d’abord, au premier rang, les 315.000 victimes qui n’ont pas donné mandat à l’Afer. Elles sont, tant que la prescription n’est pas acquise, toujours susceptibles d’agir elles aussi, soit à titre individuel, soit, dans l'hypothèse de la recevabilité de telles actions, dans le cadre d’un mandat confié régulièrement à une association autre que l’Afer, qu’il s’agisse d’une association de consommateurs ou d’un autre type (Sos Principes Afer par exemple).
Au prorata du préjudice total actualisé (270 millions en 2012), leur créance collective contre les coupables doit bien être de l’ordre de 150 à 200 millions d’euros.
Au second rang de ceux-ci on trouve aussi l’État, et cela à concurrence du montant de la confiscation décidée par la justice (92 millions d’euros).
Comme on le voit, les 55.000 adhérents qui ont donné mandat à l’Afer ne sont donc pas les seuls à pouvoir émettre des prétentions sur ces 24,5 millions et leur part, au prorata, ne devrait guère dépasser quelques millions d’euros.
Face à un préjudice actualisé en 2012 de 270 millions pour l’ensemble des victimes, le manque de sérieux de l’opération est tout à fait patent.
Par ailleurs, si les textes applicables au produit d’une confiscation le sont aussi à la garantie que représente ces 24,5 millions, cette part sera tout simplement réduite à zéro.
En effet, au regard des textes, le produit d’une confiscation décidée par la justice est, sauf exception, dévolue à l’État (article L 131-19 du code pénal) et aux seules victimes non indemnisées qui ont été partie civile au procès pénal (article 706-164 du code de procédure pénale). Une confiscation est donc, pour l’essentiel, une sanction pénale au même titre qu’une amende. Or, chacun le sait, la victime d’une infraction n’est pas habilitée à réclamer au Trésor Public le produit de l’amende à laquelle un coupable a été condamné. Cette dernière s’ajoute aux dommages et intérêts dus aux victimes.
NOTRE AVIS : Une nouvelle fois, comme dans le cas du recours annoncé en juin 2011 par Gérard Bekerman dans le journal La Tribune (N° du 17 juin) et effectué par l’Association Afer contre les anciens dirigeants pour le préjudice moral qu’ils ont causé à celle-ci, le conseil d’administration de l’Afer cultive l’art du FAUX SEMBLANT. Tout est fait pour embrouiller les pistes et pour minimiser les conséquences fâcheuses pour les coupables des recours organisés contre eux.
En effet, lorsque le Conseil de l’association avait annoncé, en avril 2006, le retrait de constitution de partie civile de celle-ci trois semaines avant l’ouverture du procès de première instance, il le justifiait dans un communiqué du 7 avril par des raisons exactement contraires à celles qu’il invoque aujourd’hui. Il y soutenait :
« En ce qui concerne le préjudice d’image qui aurait pu découler d’un impact publicitaire néfaste, le Conseil d'Administration de l’Afer observe que les adhérents ont maintenu leur confiance à l’Association et que leur nombre s’est considérablement accru ».
« Sur le fonds, le Conseil d’administration estime que l’association en elle-même n’a pas subi de préjudice et qu’il n’y a pas eu de détournement au détriment des adhérents ».
Or Gérard Bekerman, comme plusieurs autres administrateurs actuels de l'Afer, avait déjà cette qualité à cette date.
Nous ajoutons en outre que les anciens dirigeants ne vont certainement pas manquer de signaler au Tribunal saisi que le Conseil d'administration de l'Afer avait préconisé un vote négatif à la résolution E que nous avions présentée à l'assemblée générale de Strasbourg en 2010. Aux termes de cette résolution nous lui demandions de faire évaluer le préjudice causé à l'Association elle même et d'en réclamer par tout moyen légal la réparation (Lettre de l'Afer N°84 page 13). Cette résolution faisait partie de celles qualifiées de "diatribes" et de "pamphlet" dans le «Message du Président» (page 10 de cette même lettre).
En clair, l’actuel Conseil d’administration de l’Afer navigue à courte vue. Il n'hésite pas à se contredire. Il cherche très probablement à gagner du temps en attendant le départ de la prescription au printemps 2013. Pour tenter de sauvegarder son image d'association indépendante, il est obligé d’agir. Alors il fait semblant d’agir.
D’un coté, il réclame entre 3 et 5 millions aux anciens dirigeants au profit de l'Afer pour des motifs qui sont effectivement fondés mais que ses déclarations intempestives de 2006 et 2010, parfaitement contradictoires avec ses prétentions actuelles, vont considérablement affaiblir. Il leur suffira pour ce faire à ces derniers de les citer.
De l’autre, il se garde bien de leur réclamer les 270 millions qu’ils doivent à près de 400.000 adhérents et il ne veut surtout pas mettre en cause le propriétaire de la main qui le nourrit à plus de 95%, Aviva. Depuis 2003, en effet, la cotisation annuelle des adhérents a été remplacée par une dotation de l’Assureur, sans compter la prise en charge, par ce dernier, des campagnes de publicité de l’Association comme l’a indiqué devant la presse, en Janvier 2010, lors de l’annonce du taux 2009, le Président d’Aviva de l’époque.
Au total, comme plusieurs organes de presse l’ont déjà indiqué, le Président de l’Afer et son Conseil s’astreignent à faire « beaucoup de bruit pour rien », ou tout du moins pour un résultat qui ne peut-être que dérisoire en montant par rapport aux enjeux. (Avec humour, Libération, dans son numéro du 2 janvier, parle d’enterrement de « première class action »)
Le résultat ne pourra, en outre, être que discriminatoire puisqu’ils ont tout fait pour limiter le nombre des bénéficiaires de l’action engagée en donnant aux intéressés, dans sa lettre du 28 mars 2011, non pas 6 mois «pour se retourner» comme l’a affirmé Gérard Bekerman à Votre Argent.fr, mais trois semaines seulement (du 1er au 22 avril 2011, soit en pleine période de vacances).
Indirectement toutefois, si la recevabilité de l’action engagée sur la base de mandats collectés est admise, cela pourrait, à terme, avoir des aspects très positifs pour … Sos Principes Afer et ses adhérents puisqu’ils pourraient utiliser la même voie pour agir tant dans ce dossier, que dans celui des autres et trop nombreuses concessions financières faites indûment aux assureurs de l’Afer.
Nous vous prions d’agréer, chère Madame, cher Monsieur, l’expression de nos bien cordiales salutations.
Bertrand Gaumé, Président
François Nocaudie, Fondateur
Stanislas Bartkowiak, Secrétaire
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